2015-12-08

70 % des personnes dépassant les 70 ans sont propriétaires, la solution peut être de rendre liquide ce patrimoine leur permettant d’améliorer leur quotidien passé un certain âge.

Un marché de niche
La vente en viager consiste à vendre un bien sous réserve d’un droit d’usage et d’habitation du vendeur jusqu’à son décès et moyennant un prix qui prend la forme d’un capital (appelé « bouquet ») et d’une rente viagère.
D’après les experts interrogés, environ 5.000 transactions seraient réalisées chaque année, soit moins de 1 % du marché immobilier. Malgré une forte demande, il existe un important déséquilibre entre les acquéreurs et les vendeurs, trois à quatre fois plus nombreux. Les ventes portent principalement sur les résidences principales occupées par les vendeurs et leurs motivations sont avant tout pécuniaires, en recherchant un complément de revenus, une aide financière pour l’adaptation du logement ou pour payer une aide à domicile et rester chez soi.
Associé à une idée de déshéritage, certains vendeurs se servent même du bouquet pour réaliser une donation, rompant alors cet apriori.

Réticences
La vente en viager est loin d’être une transaction classique. Le caractère morbide et aléatoire peut faire reculer une bonne part d’investisseurs et laisser craindre de faire une mauvaise affaire. Au risque de voir requalifiée l’opération en donation déguisée, la durée du paiement de la rente doit rester une inconnue et, par conséquent, les conditions de marché immobilier lors du débouclage de l’opération ne sont pas maîtrisées non plus.
Sans compter qu’en cas de décès de l’acquéreur, les héritiers devront continuer à verser la rente. D’où l’importance d’anticiper cette situation en souscrivant une assurance décès.
De plus, le viager ne se pratique pas partout mais principalement en Ile-de-France, dans quelques grandes villes et en région PACA.
En outre, un tel investissement s’adresse à des personnes pouvant acheter comptant, les banques étant réticentes à financer un tel projet pour lequel elles ne bénéficient pas de suffisamment de garanties.

Fonds d’investissement… peu prisés
Bien que les particuliers montrent peu d’intérêts, les fonds d’investissement se sont immiscés sur ce marché en développant des solutions dites de viager mutualisé. De ce fait, les risques du viager sont mieux maitrisés grâce à la mutualisation des acquisitions, comme en témoigne Cécile Bouzoulouk, directeur de développement chez Virage-Viager « les décès tardifs sont compensés par les décès précoces ».
Des solutions existent, à l’image de Coremimmo, une SCI dotée de 40 millions d’euros constituée en 2012 initialement pour acquérir en viager les logements des sociétés de l’UMR et qui est désormais ouverte depuis le début de l’année 2015. La société de gestion 123 Venture a également lancé 123 Viager, une Sicav contractuelle, et dans la foulée, la société de gestion spécialisée dans les SCPI, Perial, proposait à son tour un fonds professionnel de capital-investissement (FPCI).
L’année dernière, la Caisse des dépôts et consignations a, elle aussi, franchi le pas en lançant Certivia, une Sicav contractuelle qui a levé 150 millions d’euros auprès d’institutionnels.
Toutes ces démarches ont été accueillies favorablement, et pour certaines couronnées de prix en matière d’innovation.

Toutefois, la collecte n’est pas à la hauteur de l’intérêt porté et espéré. En effet, 123 Venture persiste sur le marché mais son démarrage est très lent. Plus de deux ans après sa création, le fonds gère 3 millions d’euros pour une dizaine d’actifs en portefeuille. « Et pourtant le rendement est là. Le fonds enregistre une performance de plus de 30 % en deux ans et demi en raison de départs prématurés. 123 Viager vise un rendement de 7-8 % par an » souligne Alexandre Blanc-Coppi, responsable de l’activité immobilière chez 123 Venture.
Le sujet intéresse même au-delà de nos frontières, comme en témoigne Jean-Christophe Lega, directeur de Fundageo, « Nous conseillons les investisseurs européens sur ce type de placement et également des gouvernements qui ont compris l’intérêt de développer le viager. Le maintien à domicile dans de bonnes conditions financières permet de créer de l’emploi de proximité, c’est donc toute une filière économique qui est en train de se mettre en place. »

Fonds pour les particuliers… ouverts aux innovations

A ce jour, aucun fonds lancé n’est calibré pour des épargnants particuliers. Force est de constater que la forme du fonds investi en viager n’encourage donc pas le développement du viager.
D’ailleurs, pourquoi la SCPI n’a jusqu’à présent pas été utilisée ? La première question est de savoir si ce produit peut acquérir un bien en viager. Les freins portent sur l’absence de location d’immeubles ou encore sur la décote importante à l’entrée ou sur l’engagement dans l’inconnu de versement de rentes qui seraient incompatibles avec l’objet de la SCPI.

En juillet dernier, une proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale pour rendre éligible à l’actif des SCPI des biens dont l’usufruit ou le droit d’usage bénéficie à un sénior. L’exposé des motifs propose que la valeur occupée soit versée en une seule fois (bouquet plus sommes des rentes à venir).
Enfin, l’idée trotte de la solution du coup de pouce fiscal pour inciter les investisseurs. A ce sujet, la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) les 3 colonnes permet aux investisseurs privés de bénéficier d’une défiscalisation à l’IR. « Des critères sociaux déterminent notre action qui va au-delà de l’acquisition du bien puisque nous orchestrons la mise en place des services dont a besoin la personne âgée » explique Sébastien Tchernia, président de la SCIC Les 3 colonnes.

Le juste prix
Pour le moment, aucune mesure n’encadre le calcul du prix d’une vente en viager. Cette dernière se fait alors de gré à gré, et, à l’instar du marché traditionnel, certaines prétentions de vendeurs sont excessives et, à l’inverse, des acquéreurs de poids peuvent faire des propositions en-deçà de ce que le vendeur est en droit d’attendre.
Les intermédiaires s’appuient sur différentes tables, telles que la table Insee, celle des assureurs, ou encore le barème Daubry.
Selon Michel Artaz, fondateur de l’Institut privée du viager, « un même barème pour un viager occupé ne peut être appliqué selon les zones géographiques et les caractéristiques du bien vendu. A titre d’exemple, la rente sera plus élevée à l’Ile Saint Louis qu’à Bobigny pour un bien d’une même valeur ».
Pour éliminer les incertitudes liées à la durée de versement de la rente qui freine tant d’investisseurs et de crédirentier qui craignent de ne plus être payé, Eric Guillaume et Cécile Bouzoulouk prônent le versement d’un paiement unique à l’acquisition (bouquet sans rente). « Il est préférable d’annuler l’insécurité financière que génère la rente et privilégier un paiement unique au départ. L’avantage est que l’investisseur maîtrise son coût d’acquisition et, de son côté, l’acquéreur dispose aussi directement de la totalité du versement qui lui est dû » explique Cécile Bouzoulouk.
Selon Eric Guillaume, « le choix d’un paiement total en bouquet permet aussi d’écarter tout risque d’impayé de la rente et au fonds d’investissement de devoir provisionner ces sorties. Seul l’aléa de la date du décès persiste ».
Une solution qui n’en fait plus vraiment une vente en viager…